Finalement, je ne suis pas passé très loin du Goncourt ! Ben quoi, qu'est-ce que vous avez à vous marrer ainsi ? Surtout vous, qui n'avez même pas lu le « Petit garçon... » et peut-être pas davantage la « Petite fille... » ! Je peux même renchérir, la tête haute, le regard clair, mais en toute simplicité et affirmer que je l'ai même frôlé. Plusieurs fois ! Oui, que cela vous épate ou pas, ma table n'était pas à plus de trente mètres à vol de plume et, pour m'y rendre, je passais juste devant. Jean-Baptiste Andrea, qui décrocha le plus prestigieux prix littéraire français en 2023, dut soigner, durant ces deux soirées des 4 et 5 mai, une belle tendinite au poignet, tant il ne connut que peu de répit. N'eut guère le loisir de se gratter la tête en suivant du regard cette noria ininterrompue de chalands érudits, ni même de tailler quelques bavettes avec ses voisines de tablée, au demeurant fort charmantes. Il ne fit cependant pas exception, car cette fête du livre figurait une constellation d'étoiles digne des grands événements littéraires de Paris, Saint-Malo, Nice ou Brive… Certes, je n'ai que peu de référence, à l'exception du Salon de la Transhumance à Aubrac et de la fête du livre de Beauregard-Vendon (là, vous êtes autorisés à sourire discrètement), mais saluer dans la même journée le prix Goncourt de l'année donc, Dany Laferrière (de l'académie française , SVP !), Sorj Chalandon, Eric Fottorino, Marie Nimier, Jim Fergus, Véronique Ovaldé et j'en passe, cela relève de l'onirique… et un peu le niveau de ma chronique aussi ! Quand je dis que j'en passe, je pense notamment à Jean-Louis Debré - sapé comme un ministre -, Lilian Thuram – pour le bon people -, Antoine de Caunes - plus que jamais content de lui ! -, une certaine Luana Belmondo - dont je n'avais pas l'honneur de connaître l'existence - , pas plus d'ailleurs que celle d'un certain Mathias Malzieu, mais ce n'était apparemment pas le cas de tout le monde … Quant à la partie BD et littérature jeunesse, à laquelle je n'entends strictement rien, elle m'a paru relever de la même excellence, assortie d'une pareille affluence. Ah non ! mais vraiment, s'il ne m'a nullement fait tourner la tête, ce foisonnement me mit en fête et même en joie. Lorsque l'on se présente juste avant l'ouverture et qu'une foule considérable fait la queue à l'entrée, c'est qu'on se trouve généralement devant un stade. Mais lorsqu'il s'agit d'un événement littéraire, alors cela vous met un peu de baume au cœur et c'est bon ! Je craignais, je l'avoue, de m'ennuyer un peu, mais il n'en fut rien. Au point que je n'ai même pas eu le loisir d'échanger en profondeur avec mon voisin, régional de l'étape, Yves Sterne, un ancien marin érudit, ce qui n'est en rien obligatoirement incompatible. Je n'en ai pas encore dit un mot : cela se passait au sein de l'immense forum du Casino de Hyères-les-Palmiers. Rien que le lieu en soi est impressionnant. Et lorsqu'il est ainsi habité, incarné, les sensations intimes deviennent spatio-temporelles. Et puis, et puis... quand même ! Qu'ils ont été gentils mes anciens collègues de Var Matin (surtout), du rugby un peu aussi, mes amis, mes copains, la famille ! Grâce à une trentaine de livres signés, je suis resté à l'abri du ridicule. Et heureusement que j'en connaissais, du monde, dans ce coin où ma carrière professionnelle prit son envol dans les années quatre-vingts ! Parce que nous étions deux cents auteurs et les milliers de gens qui défilaient sous la belle verrière hyéroise ne se déplaçaient pas pour moi. Pour nous, les plus ou moins anonymes. Les visiteurs courageux s'imposaient un tour de piste laborieux, sur les voies secondaires de la renommée, jetant négligemment ou faussement intéressés, un œil sur nos pauvres bouquins empilés. Comme dans le Puy-de-Dôme il y a six mois, je me suis amusé du regard en biais, néanmoins effaré, de quelques visiteurs, le sac chargé de livres essentiels à leurs yeux, découvrant mon pauvre « Petit garçon... » avançant péniblement dans la neige et que l'intrépide auteur menaçait de tourmente. Chaque fois qu'ils découvraient cette couverture neigeuse, ils marquaient le coup, un frisson, un pas de côté, puis accéléraient ensuite pour échapper à la malédiction. J'ai ri intérieurement et me suis dit que, quand même, il allait falloir faire quelque chose. Changer de cap, de couverture et d'accroche… Et pourquoi un prochain roman titré : « La valse heureuse des jonquilles », voire même « Un si grand soleil sur le puy de Gudette » ? Remarquez ça ne fait pas tout, parce qu'avec Yves Sterne, nous étions cernés par deux britanniques, RJ Ellory – un rouquin classieux - et Tim Willocks - un grand diable cradingue – auteurs de romans noirs, dont pas un des titres n'invitaient instantanément à l'hilarité. Et pourtant les pauvres employé.es de la librairies Charlemagne furent soumis.es à d'incessants aller-retour avec la caisse centrale. J'ai même vu un vieux copains s'en payer trois ou quatre, puis passer me faire la bise sans même jeter un œil bienveillant sur mon gamin… Tant que nous en sommes aux tacles glissés, sans nulle agressivité, il y avait là dans cet impressionnant parterre de plumes, une certaine Sylvie Baron. Autrice qui vit également en Aubrac, à moins de dix kilomètres de chez nous. Mon épouse, lectrice assidue et avisée, alla donc se faire dédicacer son roman « Les petits meurtres du Tricot-Club... » en lui indiquant tout de même que son mari – c'est moi ! - était également auteur et présent tout près d'ici. Ce à quoi, la madame Baron a répondu… rien ! Elle n'a rien répondu, car cela ne l'intéressait vraiment pas ! On n'est pas tous égaux certes, surtout question égo ! Et voilà, ça c'est fait. Mais j'ai passé un week-end délicieux, parmi certains écrivains dont l'humilité se mesure le plus souvent à l'aune de leur talent. Constaté aussi que le livre préserve une puissance d'attractivité dont on ne peut prendre conscience qu'en s'immergeant au plus profond de ce type d'événement. Sur le stand des Cahiers de l'Égaré de Jean-Claude Grosse, j'eus aussi le bonheur de retrouver Isabelle, Jean-Luc et leur papa-poète Lucien. Un luxe ! Tout cela fut émouvant, édifiant et peut-être revitalisant. A tel point que si Olivier Rouard, l'un des principaux piliers de la Fête du Livre d'Hyères – il s'agissait de la 10e -, m'y convie encore, il n'est pas certain que je boude le plaisir d 'y ouvrir un autre chapitre... |