Sans se prendre la tête, je vous propose une petite balade picturale, autant que matinale et même dominicale, à travers l’Aubrac. Le pur, le vrai, le blanc. Celui que j’ai aimé enfant et qui, comme le temps, me file entre les doigts… Il en reste heureusement, des périodes comme celle que nous traversons avec félicité, elle se font et se feront rares, profitons-en ! Alors je sais que les érudits de fessebouc, les génies de la photo ont déjà dû inonder – ou plutôt enneiger – les réseaux de leurs scoops fantastiques et c’est donc juste pour ceux qui ne likeraient pas Zuckerberg, que je transmets cela à ma toute petite confrérie. Pas non plus pour dire : regardez comme c’est plus beau chez moi qu’ailleurs ! Ce n’est pas vrai et je pense que ce n’est même pas la peine de venir le vérifier. Croyez-moi sur parole. Ce qui est beau en soi, ce n’est pas l’endroit ou l’on vie, bien moins encore celui où l’on va, non, c’est le regard et le soin que l’on porte à la nature. L’essentiel n’est pas de voyager, de photographier, de diffuser et de liker. Non, le beau, le grand et le sublime, c’est de savoir regarder. Contempler. Ce matin, alors que parcourais pas loin de dix kilomètres en raquettes, je suis arrivé sur cette cascade que je visite toujours par grandes gelées, accueilli par des hurlements sauvages de gamins faisant de la luge sur le chemin d’accès au site de l’ancien volcan. Les deux couples venus en voiture au plus prés du site et qui accompagnaient cette horde de rejetons sans éducation, ont bien fait le voyage vers l’Aubrac, mais ils n’ont rien compris au pays. En vociférant dans l’immensité silencieuse, figée dans son décor de glace, ils ont rompu le charme. Le leur bien sûr, mais le mien, peut-être de ceux qui auraient aimé percevoir aussi, les vocalises enrouées du torrent franchissant les goulots translucides avant la chute. N’auront rien admiré, même pas imaginé, ce dont la nature est capable, en une nuit polaire, de façonner, de confectionner et d’offrir sans autre condition que de savoir la respecter. Toutes les drailles autour de Nasbinals proposent ainsi, en exposition temporaire, des trésors de fines ciselures et d’habiles coutures. Je n’ai rien contre les artistes, mais aucun ne saura jamais surpasser la nature. Elle saisit quelques poils de vaches laissés là comme un souvenir d’estive et se colle, s’agrège et s‘agrémente de points d’ourlet virtuoses en un tournemain. Dès lors les barbelés de triste mémoire et de sinistre augure , cessent de figurer la dictature pour s’adonner paisiblement à la couture… Voilà, c’est de mon pays de broderie que j’avais envie de parler ce matin et de partager entre gens civilisés, sensibles et dès lors, d'estimable compagnie. Sortez, parfois devant chez vous, ou bien à dix minutes en bus ou même à pieds et interrogez là, votre nature. Elle vous parlera d’un murmure, sourira d’un reflet, caressera d’un souffle. Ce sera la vôtre. La retrouverez. La préserverez comme un secret… |