Devinez où j’étais ce week-end ? À la transhumance d’Aubrac, pardi ! Comme chaque année. Et, comme chaque année, je m'étais dit que cette fois, je n’irais pas. Sauf que, lorsqu’on écrit des bouquins de pays, la transhu, c’est tout de même the place to be comme dirait mon ami Alain du boboland. C’est vrai que nous ici, en Occitanie, on dirait plutôt : es aqui qué cal èstre ! Je n’y vais pas à reculons, mais disons que ce n’est pas mon univers. Celui où justement tout se vend et tout rapporte ; où personne d’ailleurs ne s’en étonne, encore moins ne s’en offusque. J’y vais même en avançant, comme ces troupeaux de grâce - plus que de race -, qui se dandinent et s’étirent sur de belles distances, franchissant jusqu’à mille mètres de dénivelés en vingt kilomètres. En avançant et avec la paisible assurance de retrouver là mon ami Bernard Prunières, maître de l’aligot et même de plusieurs mètres lorsqu’il l’étire au bout de sa pelle télescopique d’où il ne perd pourtant jamais le fil. Sa bonne humeur, sa bienveillance qui n’exclut pas, bien au contraire, une extrême vaillance. Et puis aussi la famille à l'avant-Garde (Marinette, Odilon et Didier) de Nasbinals certes, mais aussi de la Quatretto Chiracoise. En pressant même le pas vers Nathalie, la gérante, que dis-je (?), la géante (!) de cette maison de l’Aubrac, délicieuse nef plantée sur un océan de verdure moutonnant de puys, de signaux et de trucs. C’est elle qui s’occupe de ma Petite fille et de mon de mon dernier P'tit gars quand je ne suis pas là et c‘est aussi pour cela que je me devais de les accompagner en ce jour de fête et de cabrette. J’irais presque en courant dans l’espoir d’y retrouver un homme, non un symbole, non une divinité de ces montagnes où se sont posées une à une les lettres de noblesses d’une robe froment, d’un vert éclatant, d’un blanc étincelant. André Valadier n’est pas seulement la figure tutélaire de l’Aubrac, il est l’Aubrac. En courant, je réalise avec joie qu’après avoir fêté ses quatre-vingt-dix ans le solide paysan de la Terrisse est revenu. D’un pas plus lent que le mien ; il est aussi plus sage. Après avoir redressé le pays en revitalisant l’élevage et en promouvant le territoire, insufflé son âme et ouvert les portes du Parc naturel régional, voici le grand homme légèrement courbé - plus d’humilité que de fatigue -, portant l’habit de l’Ordre du taste laguiole, grand fileur d’aligot. Une longue tenue bleue, surmontée d’une croix cathare plus claire. Ah ! que la vue de ce fier chevalier me transporte vers une manière de plénitude. Nous ne sommes sans doute pas du même bord, n’avons pas pris les mêmes chemins, mais nous cherchons le même port (ceci écrit par Brel et pour la même Nathalie...) La transhumance, je suis heureux de la transmettre aussi. A Jean-Luc, un Pyrénéen ébahi par l’ampleur unique en France et peut-être au monde, comme le furent sans doute ceux d’un puissant chœur ariégeois qui donnèrent une réplique majeure à nos bons cantaïres du plateau. Même "ma" Marie à moi est revenue. Remarquez je parle d'elle, juste parce que c'est son anniversaire... Pour la première fois, j’ai même réussi à fourguer un bouquin à l’un de mes collègues exposants. Lesquels préfèrent généralement vendre que puiser une seule fois dans leurs deniers, ne serait-ce que par solidarité ou correction. Mais enfin, Karine - il me semble que c’est Karine - votre sollicitude et votre goût pour la lecture sont-ils seulement le fait du hasard ? Car, de mon côté, j’adore les tripous (le X c’est pour les Cantaloux). Alors avec Jean-Luc, c’est aussi chez vous que nous avons été doublement satisfaits de nous restaurer. Et puis enfin, le Ségalou * que vous fabriquez, c’est à Rieupeyroux ! Et ça, Stéphane, mon ami Poirot, ça ne s’invente pas non plus ! Des Petit garçon j'ai donc pu en en confier à l'aimable lecture de quelques visteurs avisés. Parmi lesquels des Angevins très proches de mon épouse mais qu'elle ne connaissait pas. Et puis à un dénommé Alain. Oui mais vous connaissez son surnom ? Tintin ! Si, si ! Ceux qui l'ont déjà lu auront compris l'énormité de la coïncidence. Enfin, et c'est heureux, je ne suis même pas tombé sur Éric Zemmour qui s’était invité en considérant que la transhumance c’est toujours mieux que l’immigration ; grâce à quoi je n’ai pas eu à partir. Ni en courant ni d’ailleurs, en vomissant ! Bref, même si je persiste à penser que le folklore a ses limites, qu’il y a trop de camping-cars et que huit euros pour voir passer des vaches, c’est trop cher (d’autant que les gens après n’achètent plus de livres - enfin à peine une quinzaine ! - ), cette transhumance en Aubrac entretient un rite et des valeurs qui nous tiennent bien loin et nous préservent des folies de la mondialisation. * https://aveyron-gourmet.fr/accueil/105-tripous-le-segalou.html |