GRÂCE à vous, qui me faites le bonheur de me lire depuis maintenant quelques années, je me suis remis à l'ouvrage peu après la sortie du Petit garçon dans la tourmente. J'avais beaucoup aimé vous entraîner sur les pentes harmonieuses de ma montagne préférée, vous réchauffer aux cheminées de l'âtre aubracienne, vous perdre aussi dans des énigmes qui permettaient de remonter le cours d'existences rudes et laborieuses, parfois déviantes ou bien cupides, souvent loyales, toujours courageuses. Peut-être était-il temps de sortir de ces sentiers battus par tous les vents et quelques tempêtes de neige subsistantes. L'idée de celui que je vous présente m'est venue alors que j'assistais à un petit salon du livre dans le Puy-de-Dôme où les éditions l'Harmattan m'avaient inscrit. Nous étions une quarantaine d'auteurs, parmi lesquels l'attraction principale n'était autre que l'ancien Premier ministre Raffarin, - pour ceux qui s'en souviendraient encore - ! J'avais alors trouvé l'ambiance aussi pathétique que sympathique. Peut-être, les organisateurs parvinrent-ils à compter plus de visiteurs que d'exposants, mais enfin j'ai compris que le livre en lui-même était bien mal barré et que le salon en question ne devrait son hypothétique avenir qu'à la passion et l'abnégation de ses animateurs. Je les ai trouvés touchants, attachants même et qu'ils sachent que si je me suis partiellement inspiré du décor et de situations factuelles, il n'y a rien de désobligeant ni de sarcastique à leur égard. Ce jour-là, en plus de la crise du livre avérée, il se produisit dans la nuit précédente un événement dramatique dont je vous laisserai découvrir la nature au fil des pages. Quant au titre, Lire et délire, il est bien né là, voici donc un an et demi. J'y présentais Petite fille dans la tourmente qui, depuis six mois, avait plutôt bien grandi. Quelques passants circulaient devant mon humble étalage, certains s'intéressant davantage au Rugby flouze que je proposais également à la vente. Puis, paraissant un peu désorientée, arriva une bonne dame qui, en découvrant la couverture du livre où la pauvre gamine déambulait - elle aussi - mais portant une lanterne falotte allumée dans la tourmente, poussa une sorte de cri d'effroi et fit un pas en arrière qu'elle assortit de cette sentence : " Ah non, pas ça, y en a assez des malheurs ! " J'en ai donc déduit qu'elle ne voulait pas qu'on lui raconte des choses tristes. Et dans un grand élan introspectif, me suis dit que c'était peut-être ça qui n'allait pas chez moi. Trop lugubres mes histoires de tempêtes, de neveux indélicats et de burons qui sautent ! Ce qu'elle voulait, la lectrice refoulée, c'était donc rire. Le rire de Bergson étant déjà occupé, il m'est alors venu ce titre que je vous inviterai à considérer à l'aune de ce que vous lirez, avec la finesse pénétrante dont je vous sais capable. La juxtaposition de lire et de délire m'a semblé en tous points refléter mon futur propos et la démarche globale du projet. Pour autant je n'étais pas encore réellement convaincu de la totale opportunité de m'y aventurer, bravant les rigueurs qu'impose l'écriture, les astreintes démesurées - pour mon âge - de l'édition et les possibles frustrations d'une trop modeste diffusion. C'est alors qu'arriva Chloé, l'une de mes petites filles, qui vint me rappeler à point nommé, que je lui avais promis de la mettre sur la couverture de mon prochain livre. C'est qu'elle était jalouse - la coquine - de son frère qui incarnait - certes de dos - le petit garçon dans la tourmente. Voilà comment s'esquisse le dessein d'un livre, avant même que l'on en devine la destinée. Au final, je remercie celles et ceux qui, plus ou moins consciemment, ont contribué à ce qu'il existe. D'autant que même s'il devait ne pas connaître le succès qu'il mérite sûrement, je n'en regretterais pas la peine. Je ne me suis jamais autant amusé dans le délire. Et, naturellement, je vous souhaite la même réjouissance à le lire. |